segunda-feira, 25 de janeiro de 2016

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EN IMAGES - À l'approche des Jeux olympiques, qui se tiendront du 5 au 21 août, la Ville merveilleuse fait peau neuve. L'ancienne capitale du Brésil reprend vie grâce à de nombreux travaux de désenclavement, de développement et de revitalisation, notamment dans le quartier du port. Suivez le guide.

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LuisaviaromaSuccombez aux collections de grands créateursDÉCOUVREZ
Source Le Figaro Magazine

Rio de Janeiro est une ville dont le centre de gravité change toujours. A peine descendu de l'avion à l'aéroport international Tom- Jobim, comme on s'informe du cours du real, souvent incertain lui aussi, on se renseigne pour savoir où il se situe dans l'instant. Il fut à Flamengo et Glória, quand le drapeau d'Henri II, roi de France, flottait sur la baie de Guanabara ; il fut à Urca, quand les Portugais mirent fin au bref épisode de la France antarctique (1555-1560) ; il fut dans l'actuel Centro, où subsiste le Palais impérial ; à la Belle Epoque, il fut à Lapa et Santa Teresa ; il fut à Copacabana et Ipanema lorsque João Gilberto inventa la bossa-nova ; au début des années 2000, certains l'identifièrent du côté de Leblon et du Jardin botanique. Où se trouve aujourd'hui le centre de gravité de la Cidade maravilhosa, la Ville merveilleuse dont le simple nom fait rêver? C'est tout juste si la réponse ne se trouve pas avec la météo du jour dans le quotidien du matin.

Officiellement fondée en 1555, il y a plus de quatre siècles et demi, São Sebastião do Rio de Janeiro est une très vieille capitale. Plus ancienne que Washington, plus ancienne que Montréal et surtout plus ancienne que Brasília, la «capitale de l'espoir» qui dépouilla en 1960 Rio du privilège dont elle avait elle-même privé Salvador de Bahia en 1763. Un inconsolable chagrin pour les Cariocas, les habitants mélancoliques de l'ancienne capitale. Longtemps, les Brésiliens ont cru que ni la ville, sur laquelle veille la statue du Christ rédempteur depuis les hauteurs du Corcovado, ni son peuple ne se remettraient de cette blessure.

Même la triple perspective des Journées mondiales de la jeunesse (2013), de la Coupe du monde de football (2014) et surtout des Jeux olympiques (2016) semblait incapable de sortir la belle endormie de sa torpeur. Et pourtant. «Je crois que Rio va profiter de manière très importante des travaux de désenclavement, de développement et de revitalisation entrepris à l'occasion des Jeux olympiques», m'a confié l'entrepreneur Jovelino Mineiro au mois de septembre. L'essentiel ne tenait pas tant à ce qu'il m'expliquait qu'à l'endroit où il était en train de me l'expliquer. A São Paulo, la métropole brésilienne rivale, au cœur du très chic et très prisé quartier Jardim Europa. Les compliments concernant Rio portent le sceau de la vérité lorsqu'ils sortent de la bouche d'un Paulistano, un résident de la ville cubiste qu'aima tant Blaise Cendrars, le poète à la main coupée tombé amoureux du pays des perroquets. Par un effet de contraste merveilleusement ajusté à la nature intime du Brésil, dont toutes les réalités semblent accordées en couples contraires, c'est peut-être même du côté de la rue Oscar Freire, le cœur huppé de São Paulo, qu'on a le plus de chance d'entendre deux ou trois choses nouvelles à propos de Rio de Janeiro.



«La gastronomie, dont les Paulistes étaient si fiers, s'est effondrée, m'a juré Jacques Trefois, le gourmet le plus célèbre de la ville. Aujourd'hui, on mange mieux à Rio.». Le renversement d'hégémonie que personne n'envisageait il y a cinq ans a-t-il été si brutal? «En tout cas, je n'aurais jamais imaginé que le redressement gastronomique de Rio allait être si rapide», certifiait de son côté Josimar Melo, le fameux et redouté critique du quotidien Folha de S. Paulo.«Il y a des tables épatantes du côté de la rue Pacheco Leão, au Jardin botanique et rue Conde de Irajá, à Botafogo.»

Avec ces renseignements puisés à bonne source, j'allais pouvoir mener l'enquête. Quelque chose me disait même que je tenais de solides indices pour découvrir de quel côté s'était déplacé le centre de gravité de Rio, quelques mois avant la XXXIe Olympiade, dont la cérémonie d'ouverture aura lieu le 5 août au Maracanã. Le ciel était brumeux, le jour de mon arrivée à Ipanema, mais mon bonheur de retrouver le labyrinthe de rues coincé entre la mer et la montagne était absolument intact. Ce qui me frappa, c'est le nombre de boutiques et de restaurants à louer. Le quartier d'Ipanema n'était donc plus ce qu'il était, quand on y retrouvait la bohème carioca? C'est à Carlos Alberto Afonso, manière de vigie en faction depuis 1993 au fond d'une petite boutique baptisée Toca do Vinicius, où l'on trouve tout ce qui concerne le choro, la samba, la bossa-nova et la musique populaire brésilienne, que j'ai d'abord posé la question.



Pour répondre à mon enquête sur le centre de gravité, Carlos a sorti une feuille de papier blanc sur laquelle il a tracé quelques traits au stylo. «Rio est une ville incroyable! Songez à la forme de cette ville… C'est une espèce de long rectangle posé du nord au sud, avec un quartier appelé Centro sur le côté!… Et la bossa-nova est née en 1958, au moment où le centre culturel de la ville était en train de se déplacer vers Copacabana. A l'époque, Ipanema et Leblon étaient des quartiers populaires, voire pauvres. Tom Jobim, qui composa la musique de la chanson A Felicidade en 1959, disait que son père habitait à Ipanema parce que Copacabana était trop cher.»

Et aujourd'hui? Les cartes sont-elles en train d'être redistribuées? «Ce qui se passe dans le Centro et du côté du port est important pour l'image de la ville, a répondu Carlos. Mais la plage est indéfectiblement liée à la vie des Cariocas depuis les années 1920. Auparavant, c'est dans la baie de Guanabara, à Cocotá, sur l'île de Paquetá ou à Caju qu'ils allaient prendre des mains de mers… Maintenant, c'est dans la Zona Sul.»

Ma promenade dans la métropole aux 6,5 millions d'habitants a repris. Les bus ne sont pas toujours ce qu'il y a de plus tranquille à Rio, mais il y a des taxis jaune et bleu à tous les coins de rue et un métro qui permet de circuler plus facilement dans la ville. Avec les noms de certaines stations, le voyageur est même tenté de composer un petit poème automatique: Ipanema General Osório, Cardeal Arcoverde, Botafogo, Flamengo, Largo de Machado, Glória, Carioca, Cinêlandia, Uruguaina, Maracanã.



De la plage au stade, la ligne 2 est directe. Depuis les travaux de rénovation du Mondial 2014, rien de plus facile que se rendre au Maracanã pour soutenir le Fluminense, où Ronaldinho n'a guère brillé ces derniers temps, ou assister à un derby Flamengo-Vasco da Gama. Avertissement aux amateurs de ballon rond: au Maracanã, le spectacle n'est pas tant sur la pelouse, où les équipes jouent à deux à l'heure, que du côté des anciens gradins populaires - les fameuses arquibancadas célébrées dans les vieilles marches de carnaval -, où chantent et dansent les plus fervents supporters du monde. Au Brésil, le futebol està la fois un venin et un remède. Toujours la coexistence des contraires… Et à Rio plus qu'ailleurs. «Je ne vais plus au stade depuis la Coupe du monde», nous a juré Luiz Gonzago, le gérant d'un restaurant de la rue Sacadura Cabral, à Saúde, un bairro de la zone portuaire. Né dans une famille de supporters du Botafogo, il n'a pas digéré les sept buts encaissés par la sélection brésilienne au stade Mineirão de Belo Horizonte face à l'équipe d'Allemagne, le 8 juillet 2014. O Mineiraço, comme on dit au Brésil pour désigner cette tragédie nationale. N'importe. Avec Luiz Gonzago, nous avons parlé d'autre chose. Du programme de revitalisation du quartier baptisé Porto Maravilha, le Port merveilleux. «La plus grande réforme urbaine de la ville depuis de nombreuses décennies», a-t-il expliqué avec fierté.

Il y a encore beaucoup de grues autour du Musée d'art de Rio (MAR), ouvert en mars 2013, et surtout du Museu do Amanhã, le Musée de Demain dessiné par l'architecte espagnol Santiago Calatrava, qui n'a pas encore été inauguré. Mais les rues autour de la place Mauá, au commencement de l'avenue Rio Branco, renouent doucement avec leur splendeur originelle. Les façades des anciennes maisons coloniales ont retrouvé leurs couleurs: ocre, bleu, rouge, vert… Des bars et des restaurants ont ouvert partout. Et la vue sur la baie de Guanabara n'est plus bouchée par des immeubles et des palissades, comme elle le fut longtemps, entre la place Mauá et la place XV de Novembro.



Il faut visiter le Musée d'art de Rio pour mesurer à quel point le continuum entre la culture populaire et la culture érudite est caractéristique du Brésil. A côté de salles où sont accrochés des tableaux de Tarsila Do Amaral, de Portinari et de Di Cavalcanti, les trois plus grands peintres brésiliens du XXe siècle (selon mon cœur, avec une préférence pour les formes rondes, les couleurs vives et l'inspiration surréaliste de Tarsila), des salles présentent des œuvres contemporaines nées dans les favelas - les comunidades en langage policé. Ainsi le Rio miniature reconstitué à l'aide de briques de Lego colorées par de jeunes artistes dans le cadre du projet Morrinho. Le témoignage d'un style naïf et d'un art pauvre emblématiques de la sensibilité nationale. Dans les années 1920, les écrivains modernistes parlèrent d'art anthropophage à propos de cette capacité à dévorer et à digérer tout ce qui venait d'Europe pour le «brésilianiser».

Le Brésil est un ventre et Rio de Janeiro, un estomac. A moins d'un an des Jeux olympiques, la ville semble avoir absorbé toutes les contrariétés. En bas de l'avenue Presidente Vargas, la place a été dégagée devant l'église Candelária, l'ancienne cathédrale métropolitaine, flanquée du centre culturel Banco do Brasil et de l'ancienne Praça do Comércio, aujourd'hui Casa França-Brasil, bâtie selon les plans de l'architecte français Grandjean de Montigny, débarqué au Brésil en 1816. Aux abords de la place XV et de la gare maritime, après la destruction du viaduc périphérique, son remplacement par le tunnel Rio 450 a permis de relier la ville avec la baie, comme à son commencement. Un peu plus loin, les rues do Ouvidor et do Rosario ont repris vie.



«Je ne sais pas si c'est naïf, mais je veux croire à cette revalorisation du cœur historique de Rio, m'explique la cinéaste Sandra Kogut, qui rentre tout juste de Toronto où elle a présenté Campo Grande, un long-métrage tourné principalement du côté d'Ipanema. A Saúde, sur le Morro da Conceição, des artistes se sont réinstallés et donnent à certains endroits des allures de village.» Sandra Kogut est une femme intelligente et belle avec laquelle il est passionnant d'évoquer les nouveaux visages de Rio. La cinéaste parle des travaux dans la ville, des changements dans les relations sociales. Elle préfère voir Rio renouer avec ses origines qu'assister au triomphe d'une «mentalité de shopping center». «Ce qui rend difficile toutes choses, c'est l'immensité de la ville. Il y a forcément quelque chose de brutal dans sa transformation. Je n'ai jamais vu autant de chantiers, autant d'immeubles détruits, autant de rues éventrées. Par moments, on dirait une ville en guerre… C'est Rio, avec son côté souvent exagéré, presque absurde… En même temps, il y a un côté intéressant dans le mouvement de revitalisation du Centro. Il provoque des débats et des prises de conscience.»

Pour admirer le présent de Rio, il suffit de se souvenir de son passé le plus récent. Par exemple en grimpant au sommet de la colline Santa Teresa, où l'on déconseillait aux voyageurs de s'aventurer à pied au début des années 2000. Aujourd'hui, les travaux de modernisation du fameux petit tramway jaune - le «bondinho» - ne sont pas tout à fait terminés, mais les rues sont belles et les façades, repeintes. Tout en haut, il y a le musée Chácara do Céu et sa collection de 490 aquarelles et 61 dessins de Jean-Baptiste Debret, le peintre français qui fixa avec son pinceau les images du Rio des années 1820 à 1830. Au Bar do Mineiro, rue Paschoal Carlos Magno, la jeunesse dorée de la ville vient vider des bouteilles de bière Antarctica Original «estupidamente gelada» (presque congelée) les soirs de fin de semaine en grignotant des spécialités culinaires du Minas Gerais.



Redescendu vers Lapa, on découvre une autre ambiance, plus musicale. Derrière les arcs de l'aqueduc rendu à sa blancheur originelle, des clubs branchés accueillent les amateurs de funk carioca et de vieux airs de samba, notamment le Rio Scenarium.

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